Cet article fait suite à l’article « Posture et mobilier ergonomique au poste de travail : Les contraintes biomécaniques »
CONTEXTE :
Depuis toujours, l’Homme n’a sans cesse évolué en fonction de son interaction avec son environnement, dépourvu de crocs, de griffes, d’ailes ou de fourrure, il n’a pu compter que sur son cerveau et de sa plasticité afin d’optimiser chacune de ses décisions et de ses actions.
Sa survie en temps qu’espèce ne dépend que de sa capacité d’adaptation face au monde extérieur, et sa connaissance de soi-même et de ses propres capacités corporelles, physiques et mentales.
Comprendre comment intervient la proprioception dans l’élaboration du schéma corporel permet de comprendre l’importance de son rôle dans le contrôle et la coordination de nos mouvements.
QU’EST-CE QUE LA PROPRIOCEPTION ?
La proprioception correspond au sens permettant de nous percevoir, en donnant au cerveau la capacité de détecter la position de nos différentes parties du corps et de nos mouvements dans l’espace sans recours à notre vision.
Tout mouvement coordonné dépend de la proprioception.
Une proprioception optimale est essentielle pour se sentir bien dans son corps, en effet des problèmes de proprioception peuvent être une source majeure de douleurs.
Lors d’atteinte, notamment par l’ivresse ou une maladie neurologique, des activités simples comme marcher ou se tenir debout devient difficile.
La proprioception fonctionne grâce à des capteurs sensoriels situés dans nos muscles, nos tendons, nos ligaments mais aussi dans notre peau.
Pour permettre une adaptation à notre environnement, ce sont la vision et le système vestibulaire qui agissent en tant que capteurs d’information.
La proprioception est un sens qui compte sur la capacité du cerveau de réorganiser ses circuits neuronaux en fonction de ses propres ressources et des tâches qu’il doit accomplir : sa plasticité cérébrale.
Sous l’effet de l’apprentissage moteur, le cerveau crée constamment des connexions neuronales et chacune de nos actions le modifie ainsi.
C’est pourquoi il faut de nombreuses répétitions pour renforcer ces connexions.
Cela explique comment la proprioception joue un rôle majeur dans l’élaboration du schéma corporel au travers du mouvement tout en faisant preuve d’intelligence adaptative
QU’EST-CE QUE LE SCHEMA CORPOREL ?
Le schéma corporel est une représentation interne de la géométrie du corps, de sa dynamique et de son orientation par rapport à la verticale et à des repères de l’environnement.
C’est-à-dire la représentation que chaque individu se fait de son corps, de manière consciente ou non consciente et de sa position spatio-temporelle
Cette représentation résulte essentiellement de l’intégration d’informations sensorielles à la fois extéroceptives (visuelles, tactiles et auditives) et proprioceptives (cénesthésiques et kinesthésiques), notamment vestibulaires, musculaires, articulaires, tendineuses.
Son acquisition permet d’établir ses limites et de ressentir ce qu’on appelle la « globalité corporelle ». C’est une étape essentielle dans le développement de l’enfant car elle influe sur sa motricité (aisance, équilibre, habileté manuelle, capacité de se situer dans l’espace, confiance en soi) et est un rôle majeur sur la construction de soi, son auto-détermination et la réalisation de soi.
Le schéma corporel s’élabore par la coordination des facteurs suivants :
- Une connaissance de son propre corps
- Les relations avec les autres
- L’orientation et la structuration spatio-temporelle ; ce qui nous permet de bien interagir avec notre environnement
- La latéralité (symétrie de son corps)
Un schéma corporel mal structuré entraîne :
- Un déficit de la structuration spatio-temporelle : difficultés d’adaptation, difficultés d’apprentissage
- Maladresse et absence de coordination
- Difficultés relationnelles avec autrui : inhibition, instabilité, insécurité, agressivité
- Moins bonne synchronisation des deux hémisphères cérébraux
Le schéma corporel se construit grâce au mouvement :
Le cerveau se met à jour en fonction de la manière dont nous sollicitons les parties de notre corps. Pour y apporter des modifications permanentes, la réalisation de gestes précis sur une longue période est nécessaire.
Lorsqu’une certaine partie du corps est souvent sollicitée ou qu’un mouvement particulier est répété de manière coordonnée et consciente, il y a de réels changements physiques et observables dans la partie du cerveau qui contrôle cette partie du corps ou ce mouvement.
C’est la raison pour laquelle l’entraînement, l’apprentissage et l’expérimentation permettent de s’améliorer.
Par conséquence, le manque de mouvement inverse ce processus.
Si nous ne réalisons pas un certain mouvement pendant un temps donné, nous perdons la capacité de le détecter et de le contrôler avec précision. C’est ce qu’on appelle l’amnésie sensorielle motrice.
La proprioception joue donc un rôle fondamental dans notre prise de conscience par notre cerveau de notre corps, et par conséquent dans notre contrôle du mouvement.
Bouger et se sentir en bonne santé sont autant des événements physiques que des événements mentaux.
Avoir une bonne connaissance de soi permettra une meilleure adaptation avec son environnement, amenant cette sensation de bien-être en toute autonomie, ce que les personnes appellent « être bien sa peau ».
Étapes de l’organisation du schéma corporel :
Être bien dans sa peau se traduit par :
1/ Agir : être à la source de ses actions, développer son sens critique, être autonome
2/ S’adapter : maintenir ses équilibres biologiques et son homéostasie par l’action
3/ Être soi-même, authentique
En complément d’information, voici un extrait de thèse du Dr BOIS Danis intitulé « Vers une formalisation de la relation au corps sensible »
A ces notions d’ancrage, de proprioception et de schéma corporel est corrélée celle de la posture.
En posturologie nous employons la phrase suivante : « La statique préfigure la dynamique… »
En d’autres termes, c’est la qualité de notre posture qui détermine au préalable comment nous allons initier le mouvement, et influencer notre capacité d’agir pour y donner du sens.
Le maintien d’une bonne posture, grâce à une capacité de mobilité correcte due à une force physique adaptée, favorise un placement vertébral neutre limitant les contraintes sur les disques intervertébraux et articulations, assure le mouvement efficace et permet donc aux organes de mieux fonctionner.
Ceci aboutit finalement à un organisme bien plus sain et optimisé autant à l’intérieur qu’à l’extérieur, que l’on soit en position assise ou debout.
Une bonne posture permet donc l’amélioration de plusieurs grands systèmes :
- Respiratoire : Via le diaphragme et la cage thoracique. Permet une meilleure amplitude pulmonaire.
- Musculaire et articulaire : Limitations des contraintes mécaniques, meilleure dépense énergétique musculaire, réduction des troubles musculosquelettiques.
- Digestif et circulatoire : Meilleur transit intestinal permettant une meilleure assimilation, limitation des problèmes digestifs (reflux, constipation…)
- Le mental et la gestion des émotions : Lors d’une perception positive de sa santé, notre posture tend à être droite et relativement ouverte. Notre schéma corporel et notre ancrage s’améliorent.
En revanche, une mauvaise perception de son schéma corporel entrainera une perte de confiance en soi (vision et image de soi), un stress chronique, une dépression, un burn-out.
CONCLUSION :
La posture, si celle-ci est délétère et prolongée, engendrera des compensations, des contraintes sur votre corps, vos muscles, vos articulations dont la colonne vertébrale notamment, provoquant à termes des gènes et des douleurs.
Mais pour s’en rendre compte, la notion d’ancrage devient importante.
L’ancrage est la représentation et le ressentie psycho-corporelle de sa propre posture, c’est-à-dire notre schéma corporel.
Il dépend de deux éléments majeurs que sont la connaissance de Soi, donc de son corps et la reconnaissance de Soi dans le monde, donc de son environnement.
Il est ainsi intéressant de connaitre notre posture réelle et de voir si elle est en adéquation avec notre ancrage ressentit, que l’on conscientise, pour s’assurer qu’il n’y a pas de dissonance entre les deux.
En prévention de sa santé et pour maintenir ses équilibres, il faut également être en capacité de bien bouger, d’avoir une bonne mobilité, sans compensation.
Cela garantie à votre corps une meilleure efficacité, une amélioration de sa capacité d’agir et d’adaptation et donc de prévenir la majorité des troubles articulaires et musculaires.
COMMENT METTRE EN PLACE CES PARAMÈTRES DURABLEMENT ET SIMPLEMENT ?
Chez NACEOL nous appréhendons l’individu comme un tout, et considérons que chaque individu est unique, cela varie donc en fonction du défaut postural en question, et il est donc important d’identifier précisément la ou les causes afin de veiller à ce que les bons éléments soient travaillés et améliorés.
Ces éléments sont nécessaires pour le bien-être et la santé des individus, cependant ils ne sont pas suffisants. Le maintien du système de régulation du corps, l’homéostasie, dépend de l’intrication des piliers que composent le corps avec ces notions de Posture et Mobilité Corporelle, de Capacité Physique, d’Alimentation et d’Hydratation qui sont les carburants de notre organisme, et de l’équilibre psycho-émotionnelle. Pour NACEOL, l’interaction du corps avec l’environnement dans lequel il évolue sera également un facteur clé dans la progression et le développement du bien-être des individus en agissant sur la capacité d’agir, d’adaptation et d’efficacité.
L’ensemble de ces éléments se fait donc par l’apprentissage, la répétition et l’expérience de notre corps.
Acquérir par l’expérience signifie l’apprentissage, la connaissance de soi par l’action, non pas par le savoir uniquement théorique.
Un individu n’ayant pas suffisamment d’expérience par son corps favorise ses propres déséquilibres physiques (santé) et de son environnement (bien-être).
LEXIQUE :
Expérience :
Fait d’acquérir volontairement ou non, ou de développer la connaissance des êtres et des choses par leur pratique et par une confrontation plus ou moins longue de soi avec le monde. Épreuve dont on peut tirer une leçon de sagesse.
L’expérience d’une personne est l’ensemble des savoirs qu’elle a acquis par la pratique, et non seulement par un enseignement formel.
Au sens empirique, l’expérience se réfère au fait d’éprouver quelque chose susceptible d’enrichir le savoir pratique.
Apprentissage :
Modification adaptative du comportement au cours d’épreuves répétées. (Piéron 1963)
Initiation par l’expérience, aux divers aspects de la vie humaine.
Savoir
Appréhender par l’esprit, avoir la connaissance complète de quelque chose, pouvoir affirmer l’existence de Savoir le pourquoi et le comment d’une chose.
Avoir dans l’esprit de façon à pouvoir répéter, après avoir appris par l’étude, par la mémorisation, par l’instruction.
Différence entre le savoir et la connaissance :
Le savoir est accumulation, récitation, affirmation et certitude tandis que la connaissance est compréhension, appropriation, questionnement.