Les problématiques addictives restent en 2023 un enjeu majeur pour la santé publique. Il est difficile de s’en soustraire sans une forte volonté personnelle et un accompagnement de professionnels formés en addictologie.

La dépendance insidieuse du cerveau est liée à la consommation de psychoactifs souvent disponibles à la vente en libre-service. Après un plaisir fugace se mettent en place des habitudes menant à une rupture sociale et un isolement progressif. Les substances psychoactives (le tabac, l’alcool ou le cannabis) provoquent parfois une fragilité et un comportement des personnes très révélateur de leur état.

Les différents produits de la dépendance

La dépendance à une substance psychoactive provient de la consommation d’un produit ou de la conduite de pratiques répétées.

Les produits ou pratiques addictives :

  • Les produits en vente légale disponibles dans le commerce comme le tabac et l’alcool ;
  • Les médicaments délivrés sur prescription comme les anxiolytiques (en cas d’anxiété), les antidépresseurs (en cas de dépression) ou les hypnotiques (en cas d’insomnies) ;
  • Les produits interdits à la vente comme le cannabis, la cocaïne ou les champignons hallucinogènes.

Ces substances addictives se regroupent en deux familles distinctes appelées drogues douces et drogues dures :

  • Le tabac, l’alcool, le cannabis et les champignons hallucinogènes ont une action plus douce sur le cerveau. Ils ont une origine naturelle ;
  • L’héroïne, la cocaïne, le LSD et les amphétamines ont une origine de synthèse ou sont obtenus par extraction chimique. Elles sont dites drogues dures.

Les cinq modes d’administration dans l’organisme présentent des différences significatives :

  1. La voie orale : caractérise la prise de gélules, comprimés et aliments contenant les substances. L’effet psychoactif apparait dans les 30 min après leur ingestion. Ce sont les médicaments, les amphétamines, les champignons et les ‘space cakes’ à base de cannabis ;
  2. L’inhalation : est l’action de fumer ou de respirer le produit comme le tabac, le cannabis, les solvants ou les poppers. L’effet est immédiat ;
  3. La voie parentérale : signifie l’injection de la substance dans le corps par la voie intraveineuse comme c’est le cas souvent pour l’héroïne qui opère immédiatement ou la voie musculaire (ou sous-cutanée) avec une action observée entre 3 et 5 minutes ;
  4. La voie nasale classique par le sniff est utilisée pour la cocaïne ou la prise de médicaments ;
  5. La voie sublinguale consiste à placer le produit dans la bouche contre les gencives comme le tabac à chiquer. L’effet apparait sous 5 minutes.

La classification des substances addictives

Plusieurs classifications sont reconnues : la toxicité des substances indique leur faculté à créer le phénomène de dépendance (psychique et/ou physique) ou l’état d’accoutumance (qui se distingue par la nécessité d’augmenter la dose pour un même effet).

Une autre classification en trois catégories regroupe les substances psychoactives menant à la dépendance des personnes selon leurs effets observés :

  1. Les compositions sédatives ou psycholeptiques : se caractérisent par une faculté à affecter négativement l’activité du système nerveux central. Par exemple, elles diminuent la vigilance, la réflexion et inhibent les émotions. Cette catégorie comprend l’alcool, le cannabis, l’héroïne, la morphine, l’opium, les hypnotiques, les anesthésiants et les anxiolytiques ;
  2. Les substances excitantes ou psychoanaleptiques génèrent une suractivité du système nerveux central avec de l’excitation et une baisse générale de la faim, de la soif et de la fatigue. Par exemple, les amphétamines, les antidépresseurs, la cocaïne et le café ;
  3. Les substances affectant la perception sensorielle s’accompagnent  d’un désordre de la vision et de l’orientation spatio-temporelle. Par exemple, le cannabis, les anesthésiques et les amphétamines modifient les perceptions avec une activité d’excitation ou sédative. À ces produits s’ajoutent les hallucinogènes comme le LSD.

Les processus de l’addiction

La dépendance ou l’accoutumance aux substances psychoactives se déroulent selon un mécanisme progressif. L’addictologie observe quatre étapes principales lentes ou plus rapides sur les consommateurs.

La phase expérimentale retrace la première consommation du produit souvent sous la sollicitation d’autres personnes.

La phase suivante consiste dans la prise occasionnelle du produit à l’occasion de sorties ou soirées pour un usage récréatif. Beaucoup de consommateurs restent à ce stade sans se retrouver dans une dépendance. D’autres personnes s’orientent dans une consommation abusive de la drogue, particulièrement quand elles sont seules.

Cette étape fatidique conduit à la véritable addiction avec une concentration et un comportement strictement tournés sur ces produits. S’installe alors une vie de toxicomane faite d’isolement et de retranchement face à la vie sociale, familiale et professionnelle.

Cet état de toxicomanie est déclenché par plusieurs mécanismes comme la recherche du plaisir ressenti, le besoin d’évasion face à la réalité ou encore l’incapacité à contrôler ses envies.

L’aliénation induite par l’addiction

Au départ, le premier facteur poussant à la consommation de la drogue est la recherche de plaisir. Le cerveau déclenche des modifications chimiques dans l’organisme au contact de ces substances.

Par exemple, nous observons une libération accrue de la molécule du plaisir, la dopamine, dans une partie du cerveau appeler le noyau accumbens. Cette conséquence de la prise de la substance déclenche des mécanismes chimiques par le cerveau humain comme la surproduction de sérotonine et  l’activation des récepteurs aux endorphines (ce sont les molécules de la sensation de bien-être).

Les prises régulières des substances psychoactives provoquent ainsi des stimulations des récepteurs du cerveau avec un effet de dépendance sournoise relative à une diminution observée de la fabrication des endorphines par l’organisme. Un état de manque apparait conduisant à une perte du plaisir nécessitant le recours à la substance.

L’accoutumance s’installe alors puisque l’organisme l’humain devient de moins en moins sensible aux effets des substances psychoactives. Cela pousse le consommateur à augmenter les doses de drogues pour atteindre un même niveau de satisfaction ou de plaisir.

À la suite de ces variations multiples du système, une perturbation sévère s’amorce dans les réseaux neuronaux avec les prises successives de drogue occasionnant un besoin irrépressible de plaisir conjugué à la persistance d’un état émotionnel négatif développant des troubles d’anxiété et d’irritabilité. Un ensemble de symptômes liés au manque accroissent l’état de dépendance que le consommateur tente de combattre par une recherche d’état de soulagement qui remplace peu à peu la motivation du plaisir.

En conséquence, tout en impactant les circuits neuronaux, les substances psychoactives altèrent profondément la plasticité synaptique réduisant ainsi l’activité des liaisons neuronales qui se traduisent par une incapacité à prendre en compte de nouveaux paramètres.

Concrètement, les drogues ont un effet potentiel sur les mécanismes du cerveau altérant son fonctionnement naturel. Nous observons la persistance de certains phénomènes récurrents même après une longue abstinence. Par exemple, certaines stimulations engendrées par le rappel d’un lieu, d’horaires, d’habitudes ou de personnes déclenchent la libération de dopamine sans même la consommation dudit produit.

Les diagnostics les plus courants

La responsabilité de la pose d’un diagnostic relève essentiellement de médecins addictologues. Ces professionnels se servent des caractéristiques bien précises énoncées dans le DSM (Diagnostic and Statistical manuel of Mental disorders).

Voici ci-dessous la liste de onze caractéristiques, un patient sera considéré comme dépendant aux substances psychoactives s’il montre ou a montré dernièrement au moins deux caractéristiques de cette liste :

  1. Le besoin incontrôlable de consommation de la substance ;
  2. Le manque de contrôle sur la quantité et le temps consacré à la prise ;
  3. Le temps illimité dédié à la recherche de la drogue ;
  4. L’augmentation de la tolérance à la substance addictive ;
  5. L’apparition de symptômes en cas de sevrage (l‘état fébrile de manque) ;
  6. Le désengagement face aux responsabilités  sociales,  familiales et  professionnelles ;
  7. La consommation devenue  incontrôlable même en cas de danger ou risque physique ;
  8. Des problèmes personnels ou familiaux ;
  9. L’émergence d’efforts pour se libérer de la dépendance en diminuant les prises ;
  10. La réduction ou l’abandon des activités habituelles au profit de la consommation ;
  11. La persistance de la consommation en dépit des dégâts psychologiques ou physiques.

Au-delà de l’observation de six caractéristiques présentes dans la situation d’un patient, le diagnostic évaluera l’addiction comme sévère. En dessous de trois caractéristiques, l’addiction sera jugée légère. Entre trois et six caractéristiques, le diagnostic estimera la dépendance comme modérée.

Les modes de prise en charge

Un patient présentant une toxicomanie avérée peut être pris en charge selon diverses méthodes adaptées en fonction de sa pathologie et de ses prédispositions.

La prise en charge peut prendre la forme de l’administration de médicaments prescrits, d’un soutien psychologique et social. Les prises en charge sont diverses et demandent l’implication du patient toxicomane pour le conduire sur le chemin d’une abstinence pérenne. Cette étape est difficile pour le soigné qui se retrouve face à lui-même avec un choix à effectuer entre l’abandon ou la résistance.

Les rechutes sont nombreuses même pour les toxicomanes les plus volontaires et persévérants. La motivation de changer radicalement de vie aboutit parfois à de véritables renversements de situation.

Certains parviennent à renouer avec leur famille, leur environnement et réussissent à mener une vie plus stable sans dépendance. Peu de médicaments existent pour le sevrage. Seules les addictions à l’alcool et au tabac bénéficient d’une aide médicamenteuse.

Les personnes qui ne peuvent pas se défaire de leur dépendance aux substances psychoactives verront se développer des pathologies ou des risques sérieux comme l’overdose, le coma éthylique, les accidents. Des maladies peuvent s’installer dans ces organismes affaiblis comme les troubles psychologiques et neurologiques, les cancers, le VIH, etc.

Comme vous avez pu le constater en lisant ce guide, la consommation des substances psychoactives est  particulièrement insidieuse. La prise répétée est à un moment incontrôlable et devient un véritable enfer pour le consommateur et son entourage.

L’information et la sensibilisation sont des moyens incontournables pour informer les personnes sur ces fléaux devenus de véritables enjeux sociétaux. Il est important également pour les entreprises d’être à l’affût de ces symptômes pour prévenir des situations.

Les addictions ne concernent pas uniquement les professionnels de la santé qui sont là pour soigner. La prévention véritablement est l’affaire de tous.

Et le sucre alors ?

Le sucre a un réel potentiel addictif (même s’il n’est pas une drogue).

En France l’on consomme en moyenne deux fois plus de sucre que la quantité recommandée. 

Depuis les années 1970, les industriels ont augmenter les doses de sucre dans nos assiettes, avec à la clé un problème majeur de santé publique : obésité, diabète et maladies cardiaques se répandent à travers le monde, notamment chez les enfants.

Une bombe à retardement sanitaire prête à exploser !

Les avis d’experts varient au sujet de l’addiction au sucre. Contrairement aux drogues illicites ou l’alcool, le sucre reste un composant essentiel de notre alimentation pour le bon fonctionnement de notre organisme, notamment pour le cerveau. De plus, la consommation de sucre, même en excès, n’entraîne généralement pas un isolement social, un temps démesuré dédié à la prise de sucre ou des symptômes physiques marqués lors du sevrage.

Pour autant, le potentiel addictif du sucre est réel et il ne faut pas le négliger.

Des études menées sur des rats ont montré que des effets similaires étaient provoqués par la consommation de sucre et de cocaïne. Cela est notamment dû à l’activation du circuit de la récompense provoquée par ces deux substances, qui incite à consommer davantage pour retrouver le plaisir initial. Néanmoins, on ne peut faire une comparaison entre sucre et cocaïne, car leurs dangers pour la santé et leur pouvoir addictif sont bien différents.